Quand l’obésité nous met à nu !

6Lorsque je rencontre Mélanie, c’est une femme en colère, une citoyenne révoltée, une grosse épuisée, une patiente à bout de force.

Mélanie… Une femme normale de 200 kilos.

A 47 ans, Mélanie est une femme épanouie, mariée, heureuse, mère d’une fille de 20 ans. Elle mène une vie « normale », tout semble lui avoir réussi ! Elle travaille, est propriétaire de son grand appartement et de sa voiture, bref c’est une Française moyenne comme il en existe des millions d’autres… A ceci près que Mélanie est obèse… Ce n’est pas une obèse de 110 kilos comme on en croise tant. Avec les années, depuis sa puberté, Mélanie a engrangé les kilos. A 13 ans, elle pesait 60 kilos. Aujourd’hui, elle en fait 140 de plus… A bien y regarder, cela ne fait que 4 kilos pris chaque année, qui l’ont menée a afficher près de 200 kilos sur la balance. En fait c’est un peu moins, mais que cela soit 180, 190 ou 200 kilos, cela ne change rien à son histoire !

Mélanie a toujours travaillé, même beaucoup travaillé. Très jeune elle a eu des responsabilités jusqu’au moment ou elle devient maman et décide de lever un peu le pied afin de se consacrer à l’éducation de sa fille et de laisser tomber son job de directrice commerciale. Au bout de quelques années, elle a repris son travail, fait preuve de flexibilité, changé totalement d’orientation.

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Le décès de quelques proches, quelques grosses déceptions et elle a sombré dans la dépression. Mais Mélanie n’est pas du genre à « se laisser aller ». Elle a pris les choses en mains, a suivi une analyse et s’est sorti de cette mauvaise passe. Elle y a laissé quelques plumes, a connu la longue maladie. Ses problèmes d’asthme (présents depuis son enfance) se sont un peu réveillés à cette époque. Mais Mélanie a fait face. Tout cela est désormais bien loin derrière elle.

Mélanie est forte !

Mélanie tient toujours debout, contre vents et tempêtes. Elle est « forte », elle assume. Elle assume également ses kilos même si ce n’est pas facile tous les jours. Elle s’habille avec soins, ne sort jamais sans être maquillée, peignée. D’ailleurs, elle subit assez rarement les moqueries. Elle inspire plutôt le respect. On ne la regarde pas seulement parce qu’elle est grosse, mais parce qu’elle ne correspond pas au stéréotype de la grosse mal fagotée qui baisse les yeux. Elle est fière, non pas d’être grosse, mais d’être la femme qu’elle est.

Pourtant, avec les années, Mélanie a dû s’arranger avec sa réalité, avec ses difficultés, avec son poids. Elle ne prend jamais les transports en communs… Ce n’est pas grave, puisqu’elle a les moyens de s’acheter une voiture, et même une grande voiture pour être à l’aise. Son mari et sa fille partagent avec elle les tâches ménagères et n’hésitent pas à prendre en charge ce qu’elle ne peut pas faire physiquement, en échange de quoi Mélanie fait tourner la maison. Petit à petit, sans vraiment s’en rendre compte, Mélanie a renoncé à certaines choses qu’elle avait du mal à faire, puis qu’elle n’a plus du tout pu faire, comme les grandes balades à pieds ou l’aquagym faute de pouvoir remonter du bassin par l’échelle. Mélanie ne s’en plaint pas, c’est une battante, une positive qui aime la vie et qui ne sait que trop sa valeur et sa fragilité.

Avoir mal.

Elle a même finit par trouver un boulot qu’elle peut faire de chez elle, ce qui lui permet de ne pas trop souffrir… Car oui, le vrai problème de Mélanie, c’est la souffrance. Oh pas quelque chose d’insurmontable, mais les petits bobos des personnes obèses, et en particulier les douleurs dues aux problèmes ostéo-articulaires. Après une épine calcanéenne qui l’a fait souffrir durant des années, elle a commencé à avoir mal aux genoux. Elle qui adorait aller faire ses courses et faire les magasins avec sa fille commençait même à avoir du mal sortir, s’économisait, limitait ses promenades car l’un de ses genoux la faisait souffrir.

Une « spécialiste »…

Son généraliste le savait. C’était plutôt un bon médecin. Il faut dire que Mélanie connait bien le monde médical. Son oncle de qui elle était très proche était médecin. Et puis surtout, elle avait rejoint depuis de nombreuses années une association de gros. Là, elle s’était beaucoup intéressée à la partie médicale de l’obésité, à sa prise en charge. Elle participait à de nombreuses réunions officielles sur le sujet, travaillait avec les experts, faisait partie du PNNS. Bref avec les années, on peut dire que Mélanie était devenue, en quelques sortes, une « spécialiste de l’obésité ».

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Elle a vu arriver les premières interventions de chirurgie : la gastroplastie, le by-pass. Très vite, elle avait également constaté les dégâts qu’avaient causée la mauvaise prise en charge de ces interventions. Elle avait été confrontée impuissante à des dizaines d’indications de gastroplastie chez des grignoteurs préférant le sucré et à l’échec thérapeutique, avait dénoncé ces mauvaises pratiques, avait participé à l’amélioration de celles-ci.

Elle voyait également toutes ces personnes ayant subi un by-pass et qui continuaient à manger en très grosses quantités, vomissant tous les jours, perdant du poids puis en reprenant une bonne partie.

Elle constatait aussi les stigmates laissés par les amaigrissements sur des corps que même la chirurgie esthétique avait bien du mal à rendre acceptables.

Elle savait que l’amaigrissement ne résolvait pas tout, et surtout que son cas était particulier à cause d’un lipoedeme massif.

Bref, elle connaissait les limites, les réussites et les échecs de toutes ces techniques.

C’est peut-être parce qu’elle connaissait des centaines de personnes dans ces situations qu’elle était aussi frileuse à l’idée de se faire opérer. Non pas que l’envie ne lui traverse pas la tête chaque jour, mais parce qu’an fond d’elle subsistait un doute qui avait été renforcé par de nombreuses discussions avec des spécialistes : quels pouvaient bien être les dégâts de telles interventions sur le long terme ?

Du coup, elle se disait qu’elle préférait mourir plus jeune à cause de son obésité plutôt que de prendre le risque de se faire opérer… Bon ou mauvais choix, son généraliste respectait sa demande, lui faisait faire des examens réguliers et lui reparlait de temps en temps de cette possibilité d’intervention, mais sans harcèlement. Et puis, finalement, à part son obésité, Mélanie n’était pas en si mauvaise santé que cela. Pas de diabète, pas de cholestérol, pas d’hypertension. Elle était juste grosse.

Pas malade !

Juste grosse, ce qui faisait qu’elle avait mal au genou… de plus en plus mal au genou. Avec sa hernie hiatale, le généraliste hésite à lui prescrire des anti inflammatoires. Il préfère les antidouleurs comme le Doliprane, puis l’ixprim. Le rhumatologue quant à lui aurait bien fait des infiltrations dans ce satané genou, mais Mélanie avait de très grosses jambes, il ne savait donc pas où piquer ! Il l’avait donc adressée il y a quelques années dans une clinique spécialisée ou on lui avait fait cette infiltration sous contrôle radiologique. Le soulagement avait été très moyen et de courte durée, mais avec beaucoup de repos, les choses avaient finit par rentrer dans l’ordre. Elle avait mal quand elle faisait trop d’efforts et avait compris qu’il fallait se ménager.

Elle savait qu’il fallait « faire avec » ces petits bobos. Elle avait presque accepté qu’il était normal d’avoir mal à cause de son poids.

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Et puis, juste avant l’été, les douleurs se sont faites plus pressantes. Le généraliste avait à sa demande accepté de lui prescrire 8 jours de Surgam. Elle avait dû insister. Mélanie est une dure à cuire… La douleur, elle en fait souvent son affaire, mais là, elle sentait que ce n’était pas comme d’habitude et que passer une ou deux journées à se reposer n’y changerait rien.

De toute façon, dans quelques jours, elle part en vacances avec des amis. Ils ont loué une maison avec une piscine, elle va pouvoir se reposer et profiter des joies que l’eau lui offre : se sentir légère, comme en apesanteur, ne plus sentir la douleur des kilos qui pèsent, et faire un peu de natation. Tout devrait rentrer dans l’ordre.

Après plus de 1000 kilomètres de voiture étalés sur deux jours, la douleur ne semble pas vouloir lui laisser de répit. Surgam, Ixprim, rien ne la soulage vraiment. Elle arrive en vacances avec une douleur vive. Pour tout dire, elle a franchement du mal à marcher et s’aide d’une canne abandonnée là par le propriétaire de la maison.

Quand la douleur devient trop forte.

Elle est très entourée, tant mieux, elle va pouvoir se reposer, et récupérer l’usage de la marche tranquillement. Du moins c’est-ce qu’elle pense, mais malgré le Surgam qu’elle prend maintenant depuis 15 jours rien n’y fait. Elle passe donc à l’offensive. L’une de ses amies a du Voltarène 50. Elle décide donc d’en prendre 2 puis 3 par jours, mais rien n’y fait, la douleur est toujours là, totalement invalidante, l’obligeant à rester couchée une bonne partie du temps. Elle prend déjà des médicaments, un médecin ne pourra rien lui prescrire de plus, elle est en vacances, n’a aucun relais médicaux sur place, on est en plein mois d’août… Elle passera à l’offensive en rentrant à la maison, et prend immédiatement rendez-vous avec son généraliste pour le jour de son retour afin qu’il l’adresse au rhumatologue (sacré parcours de soins !).

En attendant, elle tente de profiter de ses vacances… La piscine qui a soigneusement été choisie avec des marches (surtout pas d’échelle) est même un obstacle. La dernière marche est un peu haute. D’ordinaire, elle l’aurait franchie en s’aidant d’un appui comme une chaise, mais là c’est totalement impossible. La fine équipe décide donc d’ajouter un parpaing dans la piscine afin de créer une marche supplémentaire.

L’accident.

A quelques jours de la fin des vacances, Mélanie décide d’aller se baigner, rate la marche et tombe dans la piscine. Sur le coup, elle a eu très peur, mais a presque le sourire en voyant qu’elle ne s’est même pas mouillé les cheveux… Une seconde plus tard, elle voit quelque chose qui flotte dans l’eau, comprend que ce sont des morceaux de peau, puis l’instant d’après une marre de sang… Elle n’a pas mal, cherche d’où cela vient… C’est sa jambe.

Elle sort de l’eau sachant que personne ne pourra la porter et qu‘il faut réagir. On l’aide, elle pose son pied par terre et là encore, en une seconde, baigne dans une marre de sang… Elle se dit que c’est parce qu’elle était dans l’eau. Tout le monde panique autour d’elle. Mais Mélanie sait qu’elle ne peut pas se laisser aller ni à la panique, ni à la faiblesse.

Elle prend sur elle, mais d’abord, il faut s’asseoir pour ne pas se blesser davantage… Autour de la piscine il n’y a que des transats en plastiques et des chaises avec des accoudoirs… Que des choses sur lesquelles elle ne peut pas s’asseoir de peur de passer à travers ou qui ne peuvent accueillir son auguste postérieur faute de place.

Elle demande donc qu’on lui apporte une chaise pour s’asseoir… Elle comprend qu’elle s’est blessée dans le pli de la cheville droite et au dessus. Il y a beaucoup de sang, des gros morceaux de peau qui pendouillent, elle a du mal à voir car elle a de très grosses jambes à cause d‘un important lipoedeme , mais son cerveau lui, fonctionne parfaitement. En quelques seconde il a fait l’analyse de la situation : il faut emballer tout cela pour freiner le saignement, annuler les pompiers qui ne pourront pas la transporter car elle ne rentre par sur le brancard, et se rendre par ses propres moyens à l’hôpital le plus proche qui par miracle n’est qu’à quelques minutes de voiture.

Elle donne ses instructions : apporter un gros rouleau de sopalin, un grand sac et du scotch, une serviette pour se sécher et une robe, on doit partir à l’hôpital, et surtout, tout le monde se calme. C’est elle qui rassure l’équipe qui ne sait que faire pour la soulager, et qui voit que tout va être compliqué à cause du poids de Mélanie, qui se sent impuissante à pouvoir l’aider.

Elle demande qu’on mette un maximum du sopalin autour de sa jambe, que l’on mette sont pied dans un sac poubelle et que l’on scotche le tout pour ne pas salir la voiture durant le transport. Elle se sèche, enfile une robe, une seule tong, et doit bien marcher jusqu’à la voiture, traverser l’allée pleine de cailloux, elle n’a pas le choix, personne ne peux la porter.

L’hôpital.

En quelques instants, elle arrive aux urgences de l’hôpital, patiente en attendant son tour, tente de calmer sa meilleure amie, son mari et sa fille… Elle n’a pas vraiment mal… De toute façon elle ne peut pas se permettre d’avoir mal pour l’instant. Au bout d’une demie heure, c’est enfin à elle. On la « déballe » , elle explique se qui s’est passé, sait que tout va être compliqué car elle est obèse. L’interne est dépassée en constatant les dégâts. Il est 15 h, elle appelle le chirurgien de garde. 20 minutes après le chirurgien arrive.

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C’est une femme d’origine allemande, grande élancée, la petite cinquantaine, directe. Tout cela ne lui plait pas du tout, elle est inquiète, il faut opérer, mais elle ne peut pas le faire à cause du poids de Mélanie et du matériel non adapté. Tout le monde est à l’aise pour parler de cela car Mélanie explique que c’est une militante très informée sur les équipements médicaux, ayant elle-même participé aux différentes commissions travaillant sur ce sujet avec le Ministère de la Santé.

On cherche donc un moyen de la transférer sur Marseille… On attend une réponse, mais Marseille refuse… Un patient obèse, même quand on a l’équipement pour la prise en charge, c’est compliqué, surtout en plein mois d‘août. Le chirurgien est exaspérée, en colère… Il faut intervenir assez rapidement. Elle ne trouve de place nul part car personne ne veut d’une patiente de 200 kilos, encore moins en cette période !

Trouver des solutions de fortune !

On ne peut pas laisser Mélanie dans cette situation. L’équipe va devoir la gérer au mieux…

On vient de changer la table d’opération qui peut accepter jusqu’à 230 kilos, mais dans cet hôpital, aucun lit ne supporte plus de 150 kilos. On pourrait donc opérer Mélanie, mais comment faire ensuite ?

Ne trouvant pas de solution, au bout de 3 h 45 de recherches, Le chirurgien propose à Mélanie de l’opérer à condition que celle-ci ne l’attaque pas si elle tombe en cassant un lit par exemple. Marché conclu. Un peu comme les paysans lors d’un jour de foire aux bestiaux, on « top-là au cul de la vache » !

Entre-temps, une péritonite est arrivée, le bloc est occupé, on l’opèrera demain matin. On emballe tout cela, on met Mélanie sur un brancard, et on l’installe dans une chambre.

Sur le trajet, Mélanie « sert les fesses » craignant qu’une des roues du brancard ne cède. Elle est rassurée par un brancardier adorable. D’ailleurs, dans cet hôpital tout le monde est adorable, prévenant, gentil, humain. Ils ont de la chance, le brancard ne cède pas.

Le début du périple…

La première nuit est un cauchemar : Mélanie a mal au dos dans ce lit pas très adapté et son genou droit la fait toujours beaucoup souffrir, tandis que sa plaie sur la jambe gauche n’est pas trop douloureuse, mais assez handicapante.

Déjà le matin arrive, il faut donc se préparer pour l’intervention.

L’infirmière entre dans la chambre pour un nettoyage en règle à la Bétadine… Elle propose une toilette au lit. Mélanie s’en amuse en lui expliquant que dans un si petit lit cela promet d’être drôle et propose plutôt une douche. Tout le monde semble étonné de cette proposition. Avec une telle plaie, en général on a du mal à poser le pied par terre… Mais pourquoi pas la douche ? Voici donc Mélanie partie avec une aide soignante.

Le plus dur, dans cette situation, c’est d’accepter de l’aide. Mélanie sait qu’elle ne peut pas être faible dans la vie de tous les jours, ni renoncer, sinon elle perdra toute autonomie. Il lui faut donc dépasser la douleur au quotidien, ne pas céder un pouce de terrain. Mais là, il faut bien l’avouer entre son genou droit et sa plaie sur la jambe gauche, elle ne va pas pouvoir s’en sortir seule. D’un autre côté, l’aide soignante ne sait pas trop comment faire. Elle s’occupe rarement de patients aussi obèses. Mélanie laisse tomber la garde, et accepte donc l’aide bienveillante de cette femme qui n’aura jamais un regard désagréable et se montrera toujours à l’écoute avec douceur et même beaucoup de gentillesse.

C’est le départ pour l’intervention. Mélanie est transportée dans son lit. Durant sa douche, les infirmières ont fait changé le matelas afin qu’il soit plus confortable. Ouf !

L’intervention chirurgicale.

Finalement, l’anesthésiste ne veut pas l‘endormir, car elle doute que les soins ne puissent pas se faire immédiatement, il s’agit déjà d’explorer les plaies et de constater les dégâts. Si le chirurgien ne pouvait pas intervenir aujourd’hui, et qu’il faille à nouveau opérer, elle refuse de multiplier les anesthésies. Tout se fera donc sous anesthésie locale, mais ce qui préoccupe Mélanie, ce n’est pas vraiment cela… Non, ce qui l’inquiète, c’est la largeur de la table d’opération qu‘elle vient d‘apercevoir… Comment va-t-elle bien pouvoir tenir dessus ? Elle doit faire la moitié de la largeur de son lit… Elle est encore plus étroite qu’un brancard d’ambulance… Elle doute, fait part (avec humour) de son angoisse à l’équipe, mais ils vont l’aider… Mélanie descend de sont lit… Tout le monde reste sans voix, théoriquement, on ne marche pas avec cette plaie, mais Mélanie n’a même pas réfléchi à cela, elle a depuis longtemps emmagasiné l’idée que tout transfert est impossible à cause de son poids. Elle monte sur la table, mais à peine a-t-elle mis une fesse et une jambe que déjà, la table est « pleine »… Elle se dandine, l’équipe se répartie de chaque côté pour qu’elle ne tombe pas. On bricole pour ajouter des bouts de chaque côté de la table et un autre bout pour mettre sa deuxième jambe, mais l’équilibre est précaire.

Au bout de 10 minutes d’efforts, elle est installée, maintenue par une personne de chaque côté pour ne pas tomber. C’est parti pour l’intervention. Anesthésie…

La plaie principale est dans le pli de la cheville de sa jambe énorme. Une infirmière tire sur le gras de la jambe, puis une seconde laissant apparaitre une plaie d’une quinzaine de centimètres… Ca fait quand même un peu mal, malgré l’anesthésie, on lui donne donc un petit gaz pour la « détendre »… les derniers points se font sans anesthésie… Elle s’en fiche, ce qu’elle veut c’est retourner dans son lit, ne plus avoir le sentiment qu’elle va tomber, et soulager son dos qui n’est décidément pas fait pour subir cela !

Au bout d’une demie heure, l’intervention est terminée, Mélanie remercie tout le monde pour sa gentillesse, descend de la table, remonte dans son lit sous l’air médusé de l’équipe qui la trouve bien courageuse, bien loin de l‘image que l‘on a des obèses… Et surtout très « autonome » pour une patiente qui vient de subir cette chirurgie. Une fois réinstallée dans son lit, elle pose quelques questions et surtout demande comment elle faire pour aller faire pipi, si elle n’a pas trop de droit de marcher ? Elle ne veut pas de sonde car elle veut rester autonome et veut éviter l’infection urinaire en plus du reste… On discute, et finalement, elle remonte dans sa chambre sans la sonde.

Quelques heure après, le chirurgien passe la voir… Effectivement, elle « ne s’est pas ratée », on a frôlé la catastrophe : section de la veine saphène qui a été réparée, suture de 16 cm, et drainage d’un hématome au dessus de 7 x 4 cm. Elle doit restée hospitalisée pour plusieurs jours, on annonce une cicatrisation difficile car la plaie est dans un pli profond. Le chirurgien a fait un boulot remarquable, mais il reste inquiet envisage même un séjours en caisson pour aider la cicatrisation.

Bref, on a échapper au pire, mais la catastrophe reste possible !

Rentrer sur Paris !

Sa famille est ses amis sont à ses côtés, mais dans 2 jours c’est la fin des vacances, la fin de la location et tout le monde doit remonter sur Paris à près de 900 kilomètres. Pas question pour Mélanie de remonter en voiture, elle doit voyager allongée. Il faut la rapatrier. Elle appelle son assurance qui va voir comment organiser tout cela en lien avec le chirurgien. Comme elle connait bien les difficultés « logistiques » inhérentes à l’obésité, elle précise à l’assureur qu’il faut un transport tenant compte de son poids.

C’est l’heure du départ, tout le monde rentre sur Paris. Il faut organiser la suite du séjour de Mélanie, lui laisser quelques affaires. Elle n’est venue qu’avec des vêtements de vacances et ne peut pas enfiler de pantalon avec sa jambe. Elle reste donc sur place avec en tout et pour tout 3 robes en coton ! Nous sommes jeudi. Cela fait déjà 4 jours que Mélanie est à l’hôpital.

Vendredi matin, le chirurgien donne son accord pour quitter le Var à deux conditions : voyager allongée et être transférer à l’hôpital. L’assureur est recontacté.

Pour le rapatriement : en avion, c’est impossible car elle doit voyager allongée et donc être transportable sur une civière étroite… Il faut donc trouver une ambulance pouvant accueillir un patient obèse… Et ça, Mélanie sait que cela va être compliqué car elle a travaillé sur le sujet.

Pour l’hôpital : il faut trouver un lieu pas trop éloigné du domicile de Mélanie (Paris/Région parisienne) pouvant l’accueillir.

En attendant, Mélanie continue son séjour à l’hôpital dans un lit pas adapté, pas confortable, risquant de céder sur son poids et surtout ne faisant qu’aggraver sa douleur du genou droit car elle ne peut pas s’installer correctement. Elle souffre beaucoup plus de son genou que de ses plaies.

Elle est devenue la mascotte du service… Elle fait rire tout le monde, est autonome autant que possible malgré sa souffrance… Le service est plutôt occupé par des personnes âgées alitées après des chirurgies de hanches. La plupart n’ont plus « toute leur tête », alors du sang neuf, ça met un peu de vie dans le service…

5 ambulances pour transporter les patients obèses en France !

Cela fait maintenant 3 jours que Mélanie aurait dû être transférée sur Paris, mais il n’y a de place nul part, et l’assurance lui avoue que c’est à cause de son poids. Aucun hôpital ne veut d‘elle. En revanche, du côté des ambulances, ils ont progressé. Il en existe 5 en France, dont une à Marseille mais qui refuse de faire un aller retour Var/paris/Var. C’est donc une ambulance spécialement aménagée qui viendra de l’Isère jusque dans le Var pour remonter Mélanie à Paris avant de redescendre en Isère ! 5 ambulances pour tout le territoire !

Nous sommes Dimanche, cela fait 5 jours que Mélanie est transférable. On a l’ambulance, mais pas de place à l’hôpital.

Elle est seule, n’a plus de linge propre, et aucun endroit pour demander à quelqu’un d’aller en chercher car lorsque l’on s’habille en taille 60, c’est compliqué.

Elle décide donc avec le chirurgien (un peu en lui forçant la main) qu’elle repart le lendemain avec un infirmier à domicile, et que si cela ne va pas, elle passera par les urgences de l’hôpital directement à Paris où ils seront bien obligés de lui trouver une place quelque part.

Elle quitte la larme à l’œil l’hôpital ou l’équipe a été formidable. Elle a été choyée, dorlotée, respectée, traitée avec professionnalisme et humanité, cela change du traitement qui lui est habituellement réservé à cause de son poids.

Le retour sur Paris, enfin !

Les ambulanciers arrivent. Mélanie est un peu inquiète, mais finalement le brancard est super large et confortable. Elle est presque mieux que dans son lit d’hôpital ! Un treuil permet de monter le patient dans l’ambulance sans risques ni pour le patient, ni pour les ambulanciers. On est partis pour près de 900 km.

Le retour, mais pas la fin des difficultés…

Arrivée à la maison à 16 h. Mélanie retrouve son lit, sa petite famille ravie de la revoir enfin, envoit son mari à la pharmacie pour aller chercher médicaments et pansements et organise la venue d’un infirmier à domicile pour le lendemain matin.

Après une nuit dans un lit enfin conformable, c’est la première prise de contact avec l’infirmier à domicile. Il est adorable, pas un mot ni un regard désagréable.. Il est pro, un peu timide. La plais sera longue à cicatriser ils vont se voir longtemps ! Il ne comprend pas très bien pourquoi Mélanie n’est pas hospitalisée.

Le retour à la maison n’est pas simple : la douche, la douleur, mais on s’organise et comme convenu, au bout de quelques jours le médecin (remplaçant, nous sommes au mois d’août) vient à la maison pour voir si tout se passe bien… Il est, lui aussi, un peu abasourdi que Mélanie ne soit pas hospitalisée, recommande en urgence une visite chez le chirurgien pour vérifier que tout va bien et qu’on va pouvoir retirer les fils. Mélanie en profite pour lui parler de son genou… Il accepte de lui prescrire de l’ixprim et du voltarène 50 pour 10 jours.

La rencontre avec le chirurgien se passe bien, lui aussi semble un peu étonné que Mélanie ne soit pas à l’hôpital. Il nettoie la plaie, gratte tout cela avec son scalpel, donne son accord pour retirer les fils dans deux jours, et prescrit de nouveaux pansements.

Les jours passent, les fils sont retirés et on mesure enfin l’étendu des dégâts : la cicatrisation sera longue et complexe : la plaie est longue de 16 cm environ , mais avec un très gros trou profond d’au moins 9 à 11 cm. L’hématome a laissé place à une plaie profonde d’un cm à 1.5 cm sur une largeur de 7 cm et une hauteur de 4 cm. Cela sera long, très long, inquiète plus les professionnels de santé qui ont « récupéré » cette patiente qui n’a rien à faire à son domicile que Mélanie elle-même, mais cela semble sur les rails !

La douleur !

Ce qui pose un vrai problème à Mélanie, c’est toujours son genou… Elle a vraiment du mal à marcher, se déplace avec difficultés. Petit à petit, ce handicap se transforme en douleurs horribles… Elle compte ses pas, souffre tout le temps, est réveillée par la douleur qui lui prend la moitié de la jambe qu’elle ne peut presque plus plier. Pourtant, la douleur elle connait et d’ordinaire, elle en fait son affaire. D’ailleurs plusieurs fois, on l’avait alertée sur le fait qu’elle devait être plus à l’écoute de sa douleur afin de pouvoir intervenir plus tôt.

Mais là, Mélanie ne gère plus du tout…Elle a le sentiment d’avoir comme des contractions d’accouchement dans le genou. C’est insupportable.

Son généraliste est de retour, elle va le voir car il n’a pas le temps de se déplacer. C’est un supplice. Elle tient à peine debout. Elle est à bout de force, dit sa douleur… Il lui prescrit 10 jours de Voltarène et de l’ixprim et accepte de lui faire un mot pour le rhumatologue… Il « sait qu’elle a déjà pris du Voltarène depuis 10 jours, mais parfois ce n’est pas suffisant… Il déteste prescrire des anti inflammatoire, mais là, c’est bon, ça va aller. »

Ce que Mélanie ne peut pas lui dire, c’est que cela fait près d’un mois qu’elle prend du Voltarène et de l’ixprim, sans résultats. Près de 20 jours qu’elle passe ses journées couchée à la fois pour sa cicatrisation et surtout car elle a trop mal au genou. Des semaines qu’elle ne peut plus rien faire…

Elle rentre chez elle, pleure à gros bouillon devant sa fille et son mari désarmés qui n’ont pas l’habitude de la voir ainsi. Elle a mal, très mal et aucun médecin ne prend au sérieux sa douleur, en plus elle ne peut pas marcher, elle est enfermée à la maison, elle craque.

Elle n’en peut plus, elle pleure de douleur, de rage, et surtout de désespoir… Elle s’endort épuisée.

Le lendemain, la détresse a fait place à la colère, Mélanie prend les choses en mains, décide de contacter un chirurgien spécialisé dans les problèmes de genoux aux Lilas. Elle obtient un rendez-vous pour la semaine suivante. Elle avait demandé à son généraliste de lui prescrire des radios, mais il lui avait répondu que ce n’était pas nécessaire que le rhumatologue verrait avec elle.. Elle arrive donc les mains vides, la douleur chevillée au corps, prend sur elle pour le transport et l’heure d’attente mal installée dans un fauteuil, a les larmes aux yeux.

Le chirurgien n’est pas très chaleureux mais super pro. D’ordinaire, sous l’amas de graisse de ses jambes personne ne sait ou est vraiment son genou, lui trouve tout de suite. Elle explique ses douleurs, l’intensité. Bien entendu, il y a de l’arthrose, mais de l’arthrose elle en a sur l’autre genou, et c’est pas la même douleur. Il veut un IRM, comme ça, il ne peut pas voir. En attendant, il va tenter de la soulager avec du Voltarène 75 lp (deux par jour) et toujours de l’ixprim. Elle repart donc avec ses ordonnances, sa douleur et enfin un peu d’espoir.

Les examens.

Un IRM, quand on pèse plus de 120 kilos, Mélanie qui a également travaillé sur le sujet, sait que c’est difficile.

Elle sait qu’il y a un IRM à champ ouvert à Colombes. Elle espère qu’il y en a un plus près de chez elle, elle appelle donc le Ministère de la santé afin d’avoir l’information. Elle est renvoyée vers l’ARS ou la standardiste l’envoie bouler, elle insiste. La personne concernée n’est pas là, elle la rappelle demain. Le lendemain, Mélanie a affaire à une personne très ennuyée qui a du faire beaucoup de recherches et qui ne lui donnera que des informations… fausses !

Un appel vers l’IRM de Colombes lui confirmera qu’il faut vraiment « s’accrocher » pour se faire soigner. La secrétaire de l’accueil lui dit que c’est impossible, qu’ils ne peuvent pas prendre les patients de plus de 150 kilos. Mélanie insiste, on lui passe un radiologue pas très aimable qui lui dit que c’est éventuellement possible, qu’il faut qu’elle se mesure afin de vérifier qu’elle ne fait pas plus de 40 cm d’épaisseur… Mélanie demande à quel endroit du corps, la radiologue lui dit tout le corps… Mélanie précise qu’il s’agit du genou, elle connait l’appareil… Il lui dit qu’il ne faut pas mesurer plus de 40 cm d’épaisseur sur tout le corps, mais que de toute façon ce sera très long pour lui donner un rendez-vous et que ça ne sert à rien de le déranger si elle fait plus de 40 cm et raccroche. Peut-être faudrait-il expliquer à ce « professionnel de la santé » que lorsque l’on pèse 200 kilos, s’allonger sur une surface dure (c’est-à-dire par terre) afin de mesurer son épaisseur alors que l’on souffre du genou c’est impossible car on ne pourra pas se relever…

Heureusement, Mélanie sait qu’il y a une clinique disposant d’un IRM à champ ouvert à Evry, à plus d’une heure de route de chez elle. Elle appelle. L’accueil est très différent bien que ce soit le même appareil. On lu demande si elle peut mesurer son tour de cuisse pour des questions d’antenne… Visiblement celle réservée d’ordinaire aux genoux ne fera pas l’affaire, mais ils cherchent une solution. Elle attend quelques instants, puis on lui donne un rendez-vous pour la semaine suivante, on se débrouillera avec une autre antenne. Tout le monde est charmant et cherche une solution pour la patiente. C’est top ! Rendez-vous est pris dans 10 jours.

Mélanie ne peut pas conduire, son mari ne peut absolument pas s’absenter de son boulot en ce moment, il faut donc trouver un moyen de transport. Le VSL, c’est impossible car c’est trop loin, l’ambulance inenvisageable à cause de son poids. Finalement une de ses amies prendra une journée de vacances pour l’accompagner. Heureusement, car sinon, il ne restait que la solution d’un taxi, soit des frais d’environ 200 euros pour l’aller/retour !

L’IRM est réalisée tant bien que mal. L’examen n’est pas génial compte tenu des limites de la machine en pareille situation mais révèle quand même un grands nombres de difficultés qui expliquent les douleurs intenses : arthrose, bien entendu mais également sub-luxation du genou, etc.

Afin d’éviter toute perte de temps avec la prise d‘un nouveau rendez-vous, le chirurgien lui avait proposé de déposer ses résultats dès qu’elle les aurait. Le mardi suivant, il la rappelle et prescrit plusieurs infiltrations de produits à réaliser sous contrôle radio…Dans sa clinique c’est impossible, à cause du poids…

Mélanie craque !

Voilà… Mélanie vient de me raconter son histoire. Aujourd’hui, elle m’appelle en pleurs, elle est à bout de force et de souffrance. Elle a toujours mal au genou, ne sait pas ou aller faire ces infiltrations qui doivent finalement se faire sous scanner… Elle a appelé l’ARS qui lui a donné des informations mais aucune des adresses données n’accepte un patient de 200 kilos. Elle a mal, elle n’en peut plus, il faut lui trouver une solution ou mourir mais là, cela ne peut plus durer !

Finalement, Mélanie ira faire ses infiltration à l’hôpital Suisse d’Issy les Moulineaux. Elle sera traitée avec humanité, mais cela prendra 3 semaines de plus pour faire ses deux infiltrations qui la soulageront enfin un peu et lui permettront de pouvoir remarcher… Un peu dans un premier temps…

Elle aura souffert 5 mois !!!

Combien de Mélanie ?

En écoutant Mélanie, en lisant cette histoire, on serait tenté de se dire que si elle avait accepté un by-pass, les choses seraient peut-être un peu plus simples aujourd’hui pour elle. Elle aurait certainement perdu 50 kilos, ses articulations seraient dans le même état, mais avec 50 kilos de moins souffriraient un peu moins.

Pourtant quand Mélanie interroge aujourd’hui les chirurgiens sur les risques encourus à long terme en cas de by-pass, on ne lui sort que des études à 5/10 ans, et mélangeant souvent des résultats de gastroplastie et de by-pass… On commence à entendre parler de risques aggravés de cancers du colon ou de l’estomac, de dégénérescence cérébrale, etc… Personne ne semble à ce jour en capacité de lui affirmer qu’elle augmentera son espérance de vie en acceptant un by-pass et les risques qu’ils lui font courir.

Du coup, Mélanie, CHAQUE JOUR, pèse le pour et le contre… Et chaque jour, elle fait un choix… Celui de la prudence. Elle n’a aucune pathologie associée à l’obésité à part ce satané problème de genou. Elle refuse de prendre le risque de se faire opérer.

Elle sait avec certitude ce qui l’attend si elle ne parvient pas à perdre de poids, ce qui est très difficile avec son lipoedeme. Ce que personne ne peut lui dire c’est qu’en acceptant un by pass, cela augmentera son espérance et sa qualité de vie.

Doit-elle pour autant être condamnée à souffrir durant des mois pour des pathologies aussi ordinaires que la gonarthrose par exemple ? N’a-t-elle pas, elle aussi, droit à une prise en charge digne de ce nom ?

Son parcours n’est pas isolé et doit nous interpeller. Une de ses phrases me raisonne dans la tête « on ne laisserait pas un chien souffrir ainsi ». Que ferait aujourd’hui Mélanie si elle n’avait pas pu bénéficier enfin de soins appropriés ? Serait-elle en fauteuil ? Certainement !

Ses plaies ne sont pas cicatrisées et prendront encore longtemps ! Si elle avait été hospitalisée et avait pu bénéficier d’un séjour en caisson, en serait-elle toujours là, risquant l’infection ?

Pour une Mélanie qui se bat, combien de Mélanie ne parviennent plus à le faire avec les conséquences morbides que cela entraine ? N’est-ce pas cela, finalement, l’obésité morbide ?! Une sorte de double peine que l’on vit à la fois dans sa chair chaque jour, mais également celle d’une société qui refuse de prendre soins d’une partie de ceux qui la composent ?.

En 2013, il y a encore une catégorie de Français qui n’a pas accès aux soins les plus élémentaires, une catégorie de patients, de citoyens de seconde zone qui n’ont d’autre choix que de s’enfermer chez eux dans la solitude et la souffrance faute de soins adaptés et d’un minimum d’humanité.

Nous en sommes collectivement responsables.

Pour eux, la médecine n’a fait aucun progrès. Tout est compliqué. Ces patients, vous les professionnels de la santé, vous les avez croisés ou vous les croiserez un jour où l’autre. Le regard des professionnels de santé doit changer sur eux, et les conditions de prise en charge doivent évoluer rapidement.

Si Mélanie n’avait pas été grosse, son généraliste ne se serait pas résolu à la laisser souffrir ainsi, pensant qu’avec son obésité, il était « normal » d’avoir mal au genou. Mélanie se serait battue pour être soulagée plus rapidement ne pensant pas qu’il était « normal » d’avoir mal. Elle n’aurait pas du être hospitalisée dans des conditions indignes, obligée de rentrer chez elle faute de place pour une « grosse dame » dans les hôpitaux, ou faute de matériel adapté. Elle aurait dû avoir un accès direct aux informations liés aux difficultés de prise en charge : transport, imagerie médicale, etc.

Ces personnes, nous tous, citoyens, et surtout tous ceux qui pensent que l’on peut être obèse et heureux, nous les croisons également. Il est de notre devoir de les interpeller sur ce que fait peser l’obésité massive sur la vie de chacun. Nous devons à la fois apprendre à respecter leur choix si ils désirent ne pas subir d’intervention de chirurgie pour maigrir sans avoir plus de garantie, mais nous devons également leur dire encore et toujours qu’ils sont seuls responsables de leur santé. Oui, on peut être gros et être beau, oui on peut être gros et être désirable, oui on peut être gros et tout le reste, mais cela a un prix. Chaque kilo pris sera difficile voir impossible à perdre. Si les kilos ne sont pas synonyme de bétise et de laideur, ils peuvent parfois devenir une vraie prison.

Mélanie paye cher d’être grosse… Pour elle, c’est la double peine ! Elle le paye dans sa chair tous les jours. Mais la société le lui fait payer également elle en la tenant éloignée de ses proches à cause du manque d’ambulance et en refusant sa prise en charge dans un hôpital près de chez elle. Si elle avait été plus mince, elle serait déjà depuis plusieurs jours dans un lieu de soins près de chez elle au lieu d’être totalement seule, dans un lit pas adapté, à 900 kilomètres de sa famille.

Des solutions…

Les matériels existent encore trop peu, mais ils existent. Chaque lieu devrait en être équipé pour les choses habituelles comme les lits, brancards, tensiomètres, etc. Chaque médecin devrait avoir entre les mains des listes d’adresses d’imagerie médicale adaptée aux personnes obèses, d‘ambulances, etc. On pourrait même imaginer que le Site ameli.fr mette ce service en ligne.

J’avais proposé, il y a de nombreuses années, la création d’un réseau obésité qui aurait pu s’inspirer du réseau bronchiolite. Chaque patient serait dirigé facilement vers le professionnel adéquat, et chaque professionnel saurait quoi faire de son patient.

La société doit mener une réflexion à la fois sur la prévention, le traitement et la prise en charge d’une maladie comme les autres : l’obésité. Mais elle doit également continuer un gros travail sur la place de la différence et l’égalité de tous les citoyens.

J’ai longtemps cru, en tant que présidente d’association de patients obèses que c’était du haut que les choses seraient insufflées : Ministère de la Santé, DHOS, etc. Aujourd’hui, je pense que c’est à chacun de nous de se saisir de ce dossier afin de rétablir un peu d’humanité dans la prise en charge de gens qui sont comme les autres, juste un peu plus gros !

Cath 😉

15 réflexions au sujet de « Quand l’obésité nous met à nu ! »

  1. article poignant, j’en ai les larmes aux yeux…

    tu as raison, c’est à chacun d’entre nous de militer en faveur d’une accessibilité des soins médicaux. mais aussi d’un quotidien… normal.

    merci Mélanie de partager cette histoire… et bon rétablissement 🙂

  2. article poignant j’en ai les larmes aux yeux. oui on devrait avoir accès aux mêmes soins médicaux mais comme c’est pas le cas j’ai fait le by pass et je le regrette pas

  3. Les mots me manquent à la lecture de cet article…on imagine pas que le parcours de santé puisse être aussi compliqué, aussi mal fait…je savais que des solutions existaient mais si peu !! Et les gens manquent parfois cruellement d’humanité 😦 il faut trouver des solutions…sous prétexte que les personnes en grande obésité ne sont pas si nombreuses que ça, elles n’auraient pas le droit à des soins appropriés et à une prise en charge de la douleur comme une personne mince ?
    Il serait aussi bien d’arrêter de remettre la cause des douleurs au dos, aux genoux sur le compte de l’obésité…
    L’histoire de Mélanie m’a vraiment touchée, j’espère qu’elle se remettra, qu’une prise en charge de la douleur pourra être faite correctement en attendant de trouver une réelle solution pour son genou…

  4. C est terrible j ai eu du mal a lire… Ça m a tellement sérré le cœur…. J ose mm pas penser a ce que je serais devenu ds cette situation

  5. Très poignant comme histoire.
    Je souhaite un bon rétablissement à Mélanie. Autour de moi, j’ai quelques personnes qui souffrent et c’est la galère pour un IRM. On les soigne à coup de cortisone, de cachets qui n’ont plus d’effet….

  6. J’éprouve de la colère, de la haine quand je lis cet article. Pas contre Mélanie pour qui j’ai la plus grande admiration pour son courage et une profonde empathie pour ce qu’elle a traversé. J’ai honte de vivre en France quand je lis ça, pays qui prône une liberté pour tous et un système de santé exemplaire. J’ai honte de lire que des professionnels de santé laissent souffrir une patiente sans aucun scrupule. Je suis révoltée de lire qu’un hôpital refuse une prise en charge d’une femme sous prétexte qu’elle est obèse, honte que des ambulanciers refusent de faire var/paris/var. Et je ne comprends pas que l’hôpital ou cette même société d’ambulance ne soient pas inquiétés alors qu’ils ne font pas leurs travail. Je suis effarée de lire qu’un chirurgien demande de ne pas porter plainte si le matériel cède sous le poids…Mais dans quel monde vivons nous!? Alors oui je suis en colère, oui je suis révoltée car c’est inadmissible, intolérable ce qui est arrivé à Mélanie et je n’ai pas de mots assez fort pour exprimer mon indignation face à cette souffrance qui aura duré aussi longtemps sans que personne ne se remette en question.
    Je transmets vraiment mon soutien à Mélanie, toute ma sympathie et mon admiration.

    PS: Merci Cath, tes billets me manquaient…
    RePS: Articles posté sur FB sur mon mur et sur le mur de Belle et avec des formes 😉 ainsi que le site ronde et jolie 😉

  7. Il y a quelques temps, suite à une chute, j’ai du passer un scanner.
    Le médecin a refusé parce que la machine était limitée à 160kg. Finalement elle m’a fait me peser, et accepté de passer l’examen.
    Je risquais juste un trauma crânien à cause un fort coup à la tête, hein.

    Quand je me suis retrouvée aux urgences à cause d’un œdème de Quincke, un des soignants m’a glissé que si j’étais moins grosse j’étoufferais pas. J’ai des allergies, j’y peux rien moi !

    J’ai accepté l’anneau gastrique, puis la sleeve. A présent, officiellement, je n’ai plus d’estomac alors que l’opération date de 2008. Plus de « valve » anti-reflux. Médication permanente, petites quantités d’aliments, vomissements de sang réguliers…. (Gastrite)

    Je soutiens tout à fait sa volonté d’éviter la chirurgie. Si j’avais su, y’a quelques années, j’aurais dit non.
    Car même si j’avais perdu près de 80kg, un bête accident m’a privé de l’usage d’une jambe et j’ai tout repris….

    Et ma vie est gâchée.

    Merci pour ce témoignage.

  8. Ping : Les 10 idées reçues sur les gros - Au creux de mon âme

  9. Je suis un gros. Pas à 200kg mais à 100kg. Je découvre ce témoignage.
    De sa lecture je pense à deux choses:

    1- Il est urgent de faire avancer la recherche contre l’obésité.
    Le corps humain n’est pas fait pour supporter 200kg de bidoche, ni même vraiment 100kg. Vous dites que pour cette patiente « tout allait bien », mais à mes yeux elle était à la limite de l’accident. Un peu comme ces voitures qui ont 200 000km au compteur et qui vont très bien. Jusqu’à ce qu’un incident les mettent en panne pour de bon, définitivement.
    Sa chute aurait laissé une personne avec un poids normal blessé mais pas dans un état catastrophique. Mélanie a eu la chance d’avoir su gérer la situation avec un sang-froid exceptionnel. Que se passerait-il avec une personne moins dynamique? Ou avec quand Mélanie prendra de l’âge
    Ca me rappelle mon grand père qui presque aveugle par la cataracte s’obstinait à conduire sa voiture. Heureusement, l’air bag a parfaitement amorti le choc lorsqu’il n’a pas raté le platane.
    Ca l’a décidé à se faire opérer de la cataracte, il a pu reprendre sa voiture.
    Si le bypass n’est pas une solution, je ne sais pas, il faut trouver autre chose, peut-être trouver un médicament qui diminuerait/ supprimerait la sensation de faim, voir implanter carrément des électrodes dans le cerveau, au niveau des neurones qui contrôlent la faim. Personnellement, j’aimerai bien qu’on m’en pose…

    2- la création d’un réseau obésité
    Là, par contre, excellente idée! Et vous avez raison, si vous ne vous bougez pas, l’Etat (qui a autre chose à fiche, crise oblige et plein d’autres raisons) n’en fera rien.
    Grognez, hurlez, cognez, et obtenez ce fichu réseau 🙂

    • Enfin un commentaire raisonnable.
      Ce qui m’agace, ce sont les commentaires du genre « j’ai honte de la France, les USA sont nettement plus en avance »
      Mais aux USA, tous les soins sont payants et c’est pas donné !
      On ne peut pas dire, passé un certain IMC, que tout irait bien sans le regard des gens ! Allons vivre seuls sur une île déserte dans ce cas là ! Ou uniquement avec des aveugles !!
      Et oui, le matériel médical a des limites, on ne fais pas une ponction lombaire avec une grosse aiguille, il faut passer la barrière méningée, sans créer de brèche. Donc, avec un grand trocart fin, on risque de le voir se casser si on est gros. On aura, à coup sûre une brèches et de multiples séquelles s’il doit être plus gros !
      À nous de nous prendre en main, d’accepter d’aller au fond des choses et, sauf pathologie spécifique, on peut être un peu rond, mais comme pour toute chose il y a des limites ! Allons au fond des choses avec courage, trouvons ce qui, chez chacun, nous pousse à nous cacher sous toute cette graisse chaude, lourde, molle, ….repoussante.
      Arrêtons de dire que tout va bien. Le beau vernis ne fait pas le bon support.
      Arrêtons d’accuser la société et assumons nos lacunes pour les combler avec autre chose que des calories.

  10. Pour avoir du matériel adapté il faudrait encore accepter que les gros existent, hors notre société ne veut pas les voir (ou éventuellement pour les moquer et se rassurer « ouf, je ne suis pas comme ça »).
    Mon obésité a toujours été la cause de chacun de mes maux d’après les médecins qui pourtant ne m’examinent presque jamais, et comme je suis fumeuse ça leur donne une nouvelle excuse pour ne jamais chercher d’autres causes.
    Personne n’a jamais essayé de m’aider ou de soulager mes douleurs, on puni les gros de ce qu’ils sont en plus d’en faire des parias.
    Je vomis cette société bienpensante qui laisse crever son prochain.

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